Alors que l’été se pointe le bout du nez et que la saison des festivals s’enclenche, j’ai décidé de me la couler douce… Avec l’Hommage prévu ce soir aux Francofolies de Montréal pour les 50 ans de carrière de l’original Garou, j’ai pensé vous présenter cette étonnante et rare commande du Gourvernement du Québec pour Robert Charlebois et Marthe Fleurant!
En 1969, avec la Révolution Tranquille déjà bien amorcée, l’affirmation nationale est définitivement en perpétuelle expansion au Québec. La mouvance Ti-Pop, notre Nouvelle Vague en quelques sortes, s’impose naturellement et les hommages à la langue, au joual et à notre culture singulière fusent. Le Québec aux Québécois, comme l’avaient chanté Le Nouveau Testament. Visionnaire, le gouvernement du Québec imagine pour janvier 1969 une campagne de promotion et d’information sur les productions d’ici: c’était déjà in d’acheter local. L’entreprise adopterait le slogan «Québec sait faire» sur une foule de plateformes médiatique (radio, télé, journaux) et incidemment sur disque. Porte étendard de la promotion, la chanteuse et émule de la Bolduc circa 68, Marthe Fleurant, se verrait confier le jingle officiel. Sur un rythme effreiné et une orchestration assez glorieuse merci, Fleurant se déchaîne dans une orgie de citations de produits québécois. Ah oui, au Québec on sait faire d’la réglisse pis des fusées, des jupons, des kimonos! C’est loufoque, mais admettez que cette gigue de jingle fait drôlement mouche.
Encore une fois, ce qui étonne et détonne, c’est la face B de ce simple, publié avec une pochette photo des plus colorées. On y retrouve en effet un obscure titre de Charlebois, une surprenante commande totalement dans la veine des enregistrements pour son album Québec Love. La photo utilisée est d’ailleurs la même qui ornait le revers de cet album. En soi, la chanson ressemble plus à une habile chute de studio par moments, mais entre les mains du chanteur et de ses musiciens chevronnés, l’ensemble prend des proportions aussi épiques qu’hypnotiques! L’instrumentation est lousse et aérienne, offrant une section rythmique particulièrement inspirée. Charlebois livre un texte nébuleux laissant néanmoins transpirer une critique du mercantilisme. Il a compris la game et l’exploite bien dans son Pop Art. Étourdi par l’abondance qui s’offre à lui, sa prose puise de façon surréaliste et sans retenue dans une foule de petites annonces d’un journal montréalais.
Jouez Québec pis j’le vois bien, j’vois des cercueils, Canadian Caskets, 8001 19e Avenue, Saint-Michel téléphone 727-1411 (…) des éviers, des siphons Crane Canada Limited (…) Je m’arrête et je tourne la tête. Eille, on a du stockshot, des anbi.. dans antibiotiques, pardon, pis d’la pitoune, ok?
Jouez Québec pis j’le vois d’même, je l’vois pu, j’le vois qu’y r’vient!
Selon une intrigante brève publiée dans le journal La Patrie, Jouez Québec devait aussi accompagner un happening audio-visuel imaginé par Jacques Gagné pour une exposition thématique à l’aréna Maurice-Richard en février 1969. On y annonçait des projections sur trois écrans et… deux poulets qui rôtiraient sur scène au son du titre de Charlebois! On imagine déjà un public ébahi devant un tel spectacle, mais j’ignore si l’événement eut vraiment lieu. Si vous le savez, écrivez-nous!
Jouez Québec n’a jamais été officiellement compilé sur une quelconque anthologie de Charlebois depuis. Toutefois, dans les années 90, la compagnie Unidisc (propriétaire des bandes de l’étiquette Gamma) imagina une curieuse série de compilations intitulée «Québec Love». La collection, toujours disponible, s’attardait à de nombreux chansonniers de l’écurie Gamma (Pauline Julien, Louise Forestier, Georges D’Or, etc.) et proposait des best-of plutôt touffus, mais riches en découvertes. Le premier pressage du disque consacré à Robert Charlebois en 1991 incluait deux titres inédits: Jouez Québec ainsi qu’une véritable chute de studio, Archipel, fort probablement programmée à l’origine pour le spectacle Suparchipelargo d’octobre 1969. Étrangement, ces deux sélections furent rapidement retirées du second pressage et attendent toujours d’être convenablement rééditées. En publiant Le meilleur du pire de Charlebois vol. 1 il y a quelques années, on avait eut la preuve que le chanteur pouvait rire avec succès de ses propres compositions. Les collectionneurs savent déjà qu’il y a plusieurs de ses titres qui attendent toujours d’être officiellement compilés (Halloween in Holywood et l’album Terre des bums, par exemple). On sait que Charlebois n’accumulait pas les bandes inédites de ses albums, se concentrant essentiellement sur le produit final. Espérons néanmoins qu’en temps et lieu, Garou nous ouvrira sa voute secrète. Pour l’instant, l’ultime rockstar du Québec célèbre ses 50 ans de métier: chapeau bas et bonne écoute!
Robert Charlebois is celebrating his 50th year in the music business! So here’s a rare cut for the occasion with a psychedelic feel. Originally released in January 1969 for the Governement of Québec’s ad campain Québec sait faire (Quebec knows how). Also on the menu, a demo from another 1969 session, probably a work in-progress for October’s production of Suparchipelargo. Enjoy and leave a comment!
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