En quittant son premier groupe, Les Chanceliers, en 1968 pour voler de ses propres ailes, Michel Pagliaro développaient rapidement de nouveaux talents. À mi-chemin entre la pop assumée et le rock incisif, le musicien multipliaient les collaborations, partageant le micro notamment avec Renée Martel en 1969 et arrangeant simultanément une foule d’autres d’enregistrements. Son association avec le producteur Georges Lagios –son futur beau-frère!- l’inciterait à passer d’avantage de temps derrière les consoles pour pimenter divers simples de la fin des années 60 et du début de la décennie 70. À l’image du guitariste montréalais Bill Hill (lui-même issu du groupe JB & the Playboys), on le retracerait ainsi sur les étiquettes MUCH, PAX ou RCA en plus d’apparaître occasionnellement auprès de quelques projets de Tony Roman (les deux Volumes des ReelsPsychadéliques par exemple) et sous différents pseudonymes (Second Helping, Le Beau-Frère, The Mighty).
Lorsque le rockeur visita Patrick Masbourian dans le cadre de son émission PM sur les ondes de ICI Radio-Canada Première le 20 novembre dernier pour annoncer la parution du DigiPag (son anthologie disponible en ligne), j’en ai profité pour l’interpeler à propos d’un nébuleux projet auquel il avait participé en 1972.
Voilà qui est éclairant et d’ailleurs, je tiens à remercier Patrick Masbourian d’avoir relayé ma question! Si effectivement, ce qui n’était à l’origine plus ou moins qu’une chute de studio, devait aider à boucler un contrat avec RCA, ça expliquerait bien pourquoi il en existe trois pressages distincts dont un avec une pochette illustrée. Vous avez bien lu: trois! Il faut croire qu’à l’époque, on espérait peut-être que la touche Pag soit aussi synonyme de bonnes ventes… ou bien on voyait grand, on étirait la sauce et on dépensait sans trop compter.
Commençons par le projet éponyme. Le groupe orbitant autour de Michel Pagliaro, Hovaness Hagopian (plus tard du groupe Moonquake) et/ou Angelo Finaldi opte pour se nommer en l’honneur de leur face A, Papa Jo. Ce titre peu connu au Québec fut emprunté à un autre groupe, anglais et aussi signé sur RCA: The Sweet. En marge d’un premier album, Funny how Sweet Co-Co can be, leur chanson Little willy s’était classée en 3e position des palmarès américains au printemps 1972. Pag adapterait sa face B, Poppa Joe, composé à l’origine par le prolifique duo Mike Chapman & Nicky Chinn.
Papa Jo, c’est le côté sucré –sweet! – de ce 45 tours. Accrocheur et ensolleillé, le titre pourrait aisément passer pour la bande son d’un tout-inclus des Caraïbes avec son accompagnement aux steel drums. N’empêche, l’évasion tropicale avait la cote à l’époque… et Pag chantait aussi cette joie-de-vivre sur son album solo de la même année, avec des titres comme Je serai libéré ou Rio reggae. Cette naiveté est d’ailleurs en quelques sortes illustrée sur la pochette promotionnelle accompagnant le 45 tours. On y retrouve un personnage au centre d’une scène bucolique voire hillbilly à la campagne, entouré de quelques animaux, jouant de bongos près d’un camion rempli d’instruments. Ludique! Oh Papa, au revers, c’est la face givrée et acide qui contrebalance à merveille notre écoute. Un délire de percussions, un jam impromptu, une séance freak-out comme Pagliaro en avait déjà l’habitude. Ici, il co-signe ce titre avec Hagopian. Oh Papa devient un mantra, récité, gueulé et cadençant le rythme sous l’impulsion du moment. Tant qu’à combler du temps de studio, le mieux c’était de s’éclater au micro! Cette folle face B n’est pas sans rappeler des essais similaires comme Intermission des Mersey’s, Dum dan dan du groupe Le Lotus (un pseudonyme pour des membres des Sinners et des Merseys) et plus précisément… 2 Flight 2, une production hautement psychédélique de Mickie Most que Finaldi avait publié discrètement en Angleterre à la même époque sous le nom Angelo & Eighteen (sur RAK, l’étiquette de Most). Hypnotique!
Parallèlement chez RCA, on publie un mystérieux chanteur prénommé Elio qui adapte en anglais la face A du simple, ici rebaptisée Papa Joe. J’ai pu répertorier deux versions de ce 45 tours, une promotionnelle (étiquette beige) offrant des versions mono et stéréo de la même chanson et une autre (étiquette orange), avec la même version stéréo sur chaque face. Encore une fois fois, la production est signée Lagios & Pagliaro; la piste instrumentale utilisée est d’ailleurs la même que pour le pressage précédent de Papa Jo. La différence réside en l’absence en face B de l’espérée Oh Papa… Dommage! À l’écoute, je crois reconnaître la voix de Hagopian sur les deux simples, mais qui sait… Si vous pouvez nous aider à sortir Elio de son anonymat, écrivez-nous.
Étonnamment, RCA n’avait pas encore dit son dernier mot. Bien que le premier simple du chanteur n’avait pas réussi à s’imposer sur les palmarès, on lui imagina en vitesse un second 45 tours en vue d’une diffusion panaméricaine. Toujours avec la version anglophone de Papa Joe en face A, on graciait cette fois-ci Elio d’une véritable face B, la chanson My blue lady. Ce titre est crédité à un mystérieux E. Stamerra et n’est pas une adaptation de La dame en bleue popularisé par Michel Louvain. On a plutôt affaire à une ballade pop-rock légèrement racolleuse qui n’est pas sans rappeler l’approche des quelques simples de Hagopian en solo sur étiquette Gamma ou avec son futur groupe, Earthquake plus tard renommé Moonquake. On semble reconnaître la voix du guitariste, bien que celle-ci gagnerait en assurance au sein de Moonquake… Rien de bien mémorable donc, mais une chouette pièce pour les complétistes du rock. Aurions-nous démasqué notre mystérieux Elio? Je vous laisse en juger. Participez au débat en laissant un commentaire au bas de cet article. Bonne écoute!
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