Entre 1965 et 1967, l’étonnante aventure du premier groupe de rock n roll chrétien québécois, Les Alléluias, prit une nouvelle tournure. Les quatre années précédentes avaient été productives: les 13 Alléluias, tous séminaristes à Aylmer-Est (aujourd’hui Gatineau), avaient enregistré trois simples et un album en plus de participer à quelques tournées québécoises au cours de leurs études. La fin des cours coincida avec l’éclatement de groupe; certains défroqueraient peu de temps après, mais pour d’autres, l’aventure se poursuivrait…
Dans le cercle des initiés et audiophiles avertis, cette pochette est bien connue et appréciée pour son aspect ludique. Cette photographie du Père Tremblay arborait même en 2011 la pochette d’une compilation de rock chrétien français Alléluia Garanti – L’évangile selon Saint Pop 1966-1973 publiée sur étiquette Fétiche. Ouvertement inspiré par la compilation Résurrection!, le compileur Nicolas Lebon y mélangeait de rares titres français à quelques chansons québécoises (Yvon Hubert, Jean-Pierre Ferland), sans même utiliser une seule chanson des Nouveaux Alléluias. Étrange…
En guise d’introduction à son unique album, le groupe annonce illico ses couleurs et se lance dans une version frénétique de Jésus, un titre à l’origine composé et intrerprété par le chanteur français Georgie Dann en 1962. Même John Littleton en avait réalisé une adaptation en 1963! Comparée aux interprétations des Alléluias, cette chanson augmente définitivement la cadence et notre prêtre chantant pousse la note jusqu’à hurler le nom de son sauveur. Il l’aime et il le crie! La pièce Psaume 150 Rock carbure plutôt à l’énergie du go-go, offrant une mélodie accrocheuse interprétée à l’orgue combo (un Vox Continental). Allons y d’un pas de danse, sur un rock. Pour louer sa bienveillance, sur un rock! Cette composition de Roland Tremblay possède un charme indéniable et avait déjà été redécouverte en 2006 sur la compilation bootlegIls sont Fous ces Gaulois Vol. 4. Deux titres dans un registre slow rock suivent, d’abord avec Myriam (dramatique et à l’accompagnement minimal) puis une adaptation sans flafla d’un hymne de Pete Seeger, Où sont allées toutes les fleurs? (Where have all the flowers gone).
Un air de gospel avec une touche de yé-yé s’impose par la suite. Le groupe reprend à sa façon l’air bien connu Il tient le monde dans ses mains(He’s got the whole world in his hands) en le pimentant de quelques notes d’orgue salutaires. La face A se termine sur une adaptation bilingue de J’entends sifler le train / Five hundred miles (Richard Anthony / H. West) où on distingue quelques notes d’harmonica gracieuseté du Père Tremblay. La face B démarre de nouveau sur un ryhtme soutenu et des plus entrainants. Le groupe interprète une chanson popularisée par le trio Peter, Paul & Mary (Early in the morning) en la rebaptisant Le matin de bonne heure avant de succomber au western-swing de A wonderful time up there. Tremblay et ses musiciens l’interprètent un tantinet plus vite que la version à succès pour le chanteur Pat Boone et offre à nouveau une adaptation bilingue réussie!
Tout le long du chemin (Singing the blues) poursuit sur la même lancée et offre même un solo de guitare folk. Charmant! Les deux dernières compositions nous renvoient au son pop-rock si représentatif des ballades de l’ancien groupe de Tremblay. Construire la Terre a tout d’une chanson scout typique, avec sa mélodie à siffler autour d’un feu de camp et Sur la route est en fait une reprise du titre à succès des Alléluias. Une bonne façon de boucler la boucle!
Peu après l’aventure des Nouveaux Alléluias en 1967, Bernard Tremblay quittait les ordres pour se marier et optait pour une nouvelle carrière professionnelle, délaissant l’univers du spectacle. Parallèlement, le parcours des Saxons demeure quant à lui à être clairifié. Qu’êtes-vous devenus par la suite, messieurs? Si vous détenez des informations supplémentaires, je vous invite à m’écrire ici.
Quelques décennies plus tard, en 2009, j’ai repris contact avec le chanteur défroqué dans le cadre de mes recherches pour la compilation Résurrection! Rock Chrétien et messes rythmées du Québec (1964-1978) pour les Disques Mucho Gusto. La compilation (ma toute première réalisation) serait lancée deux ans plus tard et Bernard (tout comme Roland Tremblay et Guy Pilote des Alléluias) fut un des premiers artistes à collaborer à ma folle entreprise. Je lui confiais que je le considérais comme le patriarche du rock chrétien québécois; ça l’avait fait bien rire… Il ne le savait pas encore, mais il ornerait bientôt aussi la pochette de la compilation avec ses amis musiciens!
Avec les années, je suis revenu régulièrement en ondes à propos des productions chrétiennes québécoises des années 60-70, y’avait beaucoup à redécouvrir, à rechercher, à préciser… ça me fascinait. Ça me fascine toujours. J’ai notamment été invité en avril 2019 à revenir sur le phénomène des Messes à Gogo dans le cadre de l’émission Aujourd’hui l’Histoire avec Jacques Beauchamp sur les ondes de Radio-Canada. On m’avait fait la surprise en redécouvrant une entrevue de 1964 avec Bernard, au moment d’enregistrer ses premières chansons.
Il y a quelques temps, le fils de Bernard Tremblay m’a contacté pour me confier que dans les récentes années, après une carrière dans le domaine de la Santé, Bernard avait repris la guitare et proposait quelques tours de chants en visitant des hôpitaux et centres pour aînés de la région de Québec. Revoir toutes ces photos des Alléluias que j’avais publié en 2012 pour accompagner le lancement de la compilation lui avait rappelé de bons souvenirs… Atteint de la maladie Alzheimer, il s’est éteint, paisiblement, entouré des siens, en décembre 2020. J’ai toujours eu beaucoup d’affection pour ce chanteur, l’artiste, son enthousiasme contagieux, son timbre franc et optimiste. Et je ne dois pas être le seul. Bon voyage Bernard…
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