Aujourd’hui, on ajoute une page à l’histoire musicale québécoise en compagnie de mon invité, un acteur important du showbizz québécois des années 60 et 70. D’abord connu au sein du populaire trio Les Baronets aux côtés du regretté Pierre Labelle et de René Angelil – la réponse québécoise aux Fab Four en quelques sortes- il a cumulé parallèlement les emplois fondant notamment deux étiquettes de disques, signant de nombreux artistes émergents et gérant audacieusement la carrière de la formation Les Bel Canto. Après de méga-succès des Baronets tels C’est fou (mais c’est tout), Ça recommence, Est-ce que tu m’aimes ou Twist & chante, peu se souviennent que le groupe ait ensuite tenté de percer le marché américain.
J’ai interviewé l’ex-Baronet Jean Beaulne, question de faire la lumière sur des enregistrements totalement INÉDITS du groupe qui n’ont été découverts que récemment. Il s’agit en fait d’un album COMPLET enregistré à New-York en mars 1965, tabletté et jamais entendu de nouveau depuis 50 ans! Je ne saurais trop remercier l’ami Pascal Pilote ainsi que le blogueur américain Gordon Skene de Past Daily (pastdaily.com) qui a initialement permis la redécouverte de ces bandes originales et accepté de partager en exclusivité ces enregistrements. Bonne écoute!
Recent interview with Jean Beaulne, ex-member of Les Baronets, about the band’s lost 1965 album recorded for New York label Vee-Jay. Special thanks must go to Gordon Skene, blogger for Past Daily, who introduced us to 4 undiscovered tracks before sharing the whole unissued session with us. What a great christmas gift! Check out his fascinating daily blog posts, you might find other hidden gems from Quebec! Merci Gordon!
Comment un trio francophone aussi populaire a-t’il envisagé de conquérir les États-Unis?
Au printemps 1965, Beaulne rencontre par hasard un chasseur de talents dans les locaux de la station radio CJMS. Ce dernier avait été dépêché à Montréal par le président des disques Vee-Jay. Quelques années plus tôt, cette étiquette newyorkaise –comme plusieurs autres- avait été approchée par le manager Brian Epstein pour distribuer son tout nouveau groupe : The Beatles. Vee-Jay avait nonchalamment pressé certains disques des Fab Four quelques semaines avant que la Beatlemania ne déferle sur l’Amérique, mais ultimement, Epstein choisi de signer plutôt une entente avec Capitol… Depuis, Vee-Jay était à la recherche d’une autre formation similaire aux Beatles pour faire oublier leur bévue. Lorsque Beaulne l’invite au restaurant pour continuer leur discussion, le newyorkais est étonné de constater l’immense popularité du Baronet, sans cesse accosté par des fans sur la rue pour des autographes. Peu de temps après, Vee-Jay négocie une entente avec Ben Kaye, gérant des Baronets, pour réaliser le plus tôt possible une session d’enregistrement à New York. Pas l’temps de niaiser…
Mars 1965, Beaulne, Labelle & Angelil s’envolent pour les USA afin d’y rencontrer les musiciens qui superviseront leur travail en studio. Vee-Jay ne lésine pas sur la qualité et le groupe est rapidement pris en charge par une équipe extraordinaire formée d’Al Kasha, Charles Calello, Bob Crewe & Bob Gaudio. La crème de New York! Kasha est un des plus célèbres auteur-compositeur-arrangeur américains qui débute chez Columbia avant de travailler au Brill Building, gagne 2 Oscars et arrange une foule de chansons parmi les plus grands succès du 20e siècle. Calello est bassiste et arrangeur pour The Four Seasons en plus d’orchestrer une foule de tubes du Billboard’s TOP 100 (incluant 38 présence au Top 10). Gaudio, en plus d’être organiste des Four Seasons, signe avec l’auteur-compositeur Crewe plusieurs des méga-succès du groupe (Sherry, Walk like a man, Big girl don’t cry, Can’t take my eyes of you ) ainsi que de nombreux autres titres au Top 100. Y’a pas à dire : Les Baronets sont entre bonnes mains!
11 titres anglophones sont proposés au trio qui retourne à Montréal avec une fragile acétate en guise de maquette. Une fois les nouvelles chansons pratiquées et assimilées, Les Baronets retournent à New-York au début de l’été pour y enregistrer prestement leurs versions définitives, toujours avec les mêmes musiciens en studio. L’album envisagé est un habile mélange de compositions originales, de reprises et d’airs connus «revisités». On y retrouve: Mine all mine (version originale du futur simple Je suis fou, pressé au Québec), I’ll step aside (totalement beatlesque, non loin du son des montréalais JB & the Playboys), If you want to (Frère Jacques) & Can’t forget her (Little alouette) qui fusionnent des airs connus à des mélodies plus actuelles, That’s the way love happens (l’accrocheuse face B du 45 tours promotionnel), La vie en rose (une adaptation feutrée signée Calello), The girl who wanted fame (un titre emprunté au groupe britannique The Wackers), Goodbye to lonesome town (que le trio reprendrait en français sous le titre Seul sans toi ), The birds & the bees (succès du chanteur…), If you want me it’s alright (emprunté à Georgie Fame) et l’excellente originale Who can I talk to about you (toujours dans la veine merseybeat). Du lot, Vee-Jay propose d’extraire deux chansons en vue d’un 45 tours (Mine all mine / That’s the way love happens ) promotionnel pour les DJs de la ville, à raison de quelques centaines d’exemplaires, sans plus. Le simple est aussi publié dans une rarissime version standard (étiquette noire), mais les jours de l’étiquette newyorkaise sont déjà comptés… En effet, Vee-Jay déclare faillite quelques semaines suivant la parution du 45 tours et doit bientôt cesser toutes ses activités. Le groupe est dévasté et malgré les bonnes intentions de Beaulne qui tentent malgré tout de négocier un nouveau contrat de disque à New York, rien n’y fait. Légalement, les bandes ne peuvent être recyclées. Elle demeureront ainsi à l’abris, dans un coffre fort, durant les prochaines décennies…
Malgré quelques passages à la télévision anglophone (au Peter Martin Show animé par Pierre Lalonde ainsi qu’à une émission ontarienne), Beaulne demeure confiant: son groupe avait tout pour séduire le public américain. Qui sait comment la carrière du groupe aurait évolué si l’album avait été pressé à l’époque? 50 ans plus tard, on peut déjà se frotter les mains et se dire qu’une injustice a finalement été réparée: l’album peut maintenant être entendu et une réédition officielle peut dorénavant être envisagée…
Nous reviendrons dans une éventuelle seconde interview sur les nombreuses productions de Beaulne au courant des années 60 et 70. Entre temps, votre témoignage importe: si vous avez souvenir de cette époque ou pouvez contribuer des photos, des coupures de presse ou des archives vidéos pouvant nous aider à mieux documenter la carrière en anglais des Baronets, écrivez-nous!
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